Rencontre avec Emma Groult : la restauratrice au cœur de la renaissance des vitraux de Notre-Dame
Quelques jours après l'incendie qui a ravagé Notre-Dame en avril 2019, Emma Groult, restauratrice spécialisée dans les vitraux patrimoniaux, pénètre pour la 1ère fois dans l'édifice emblématique. Sollicitée par les services de l'État d'Île-de-France, elle est alors chargée de coordonner une intervention d'urgence inédite : le dépôt et l'évacuation des vitraux. Avec son équipe et une cinquantaine de collaborateurs issus de huit ateliers en France, elle participe à ce qui deviendra l'un des chantiers patrimoniaux les plus emblématiques du siècle, le Chantier du siècle.
Emma Groult dans son atelier. Nicolas Duprey CD78 ®
"En tant que restauratrice, je n'étais jamais intervenue sur ce site ; l'émotion en était d'autant plus grande."
Comment s'est organisé cette restauration hors du commun ?
Tout a commencé par une phase d'urgence dans le mois qui a suivi l'incendie. Les vitraux des parties supérieures de l'édifice ont été déposés pour sécuriser les lieux et permettre la pose de planchers facilitant l'accès aux voûtes. Une fois évacués, les vitraux ont été stockés dans nos ateliers respectifs. Cela nous a permis de documenter leur état avec précision grâce à de nombreuses séries de photos. Cette démarche a été essentielle pour identifier les dommages, établir leur nature et lancer les appels d'offres.
Avez-vous une vue globale de l'état des vitraux dès ce moment ?
Oui, sur les vitraux déposés, nous avons rapidement pu analyser les dégâts. Toutefois, l'urgence était d'abord de stabilisateur les voûtes et d'y accéder, ce qui explique que les vitraux situés sur la partie basse de l'édifice soient restés en place.
Les vitraux ont-ils souffert de l'incendie ?
De façon surprenante, les vitraux ont été relativement épargnés par la chaleur. Ils présentaient des crassements importants dus à la fumée à l'intérieur et à la pollution à l'extérieur. Cependant, très peu de vitraux ont été véritablement cassés.
"Les vitraux n’ont pas particulièrement cassé sous l’effet de la chaleur. Ce qui est très surprenant. On va dire qu'ils ont été protégés. Cela est un peu un mystère."
Comment un atelier s'organise-t-il pour un tel chantier ?
Avec une consoeur de Chartres, nous avons mutualisé nos compétences pour répondre aux appels d'offres, aussi bien pour les vitraux déposés que pour ceux restés sur place, comme ceux de la croisée du transept. Travailler sur place était essentiel pour nous, car ces chantiers dégagent une atmosphère unique.
En quoi a consisté votre travail sur les vitraux ?
Nous avons restauré cinq fenêtres des baies hautes, soit une surface de 130 m² datant du 19ᵉ siècle. Avant de commencer la restauration proprement dite, nous avons suivi un protocole de décontamination rigoureux pour éliminer les poussières issues de l'incendie. Ensuite, nous avons procédé au nettoyage : la suie recouvrait l'intérieur des vitraux, tandis que des croûtes de pollution s'étaient accumulées à l'extérieur. Une fois nettoyés, nous avons restauré les vitraux en réalisant des collages minutieux sur les rares zones cassées. Les couleurs sont conservées plutôt intactes. Nous avons dû retravailler quelques zones pour retrouver l'effet voulu par l'artiste.
Ce que nous enseignent les vitraux de Notre-Dame
Avez-vous découvert des éléments inattendus au cours de cette restauration ?
Le chantier a mis en lumière les qualités des vitraux du 19ᵉ siècle, une époque souvent évoquée pour son style néo-gothique jugé peu innovant. À Notre-Dame, on observe pourtant une recherche approfondie dans les techniques de fabrication : utilisation de l'acide, gestes plastiques subtils pour créer des intensités lumineuses variées… Ces découvertes ont enrichi notre regard sur cette période. Ce chantier nous a également permis de collaborer avec des spécialistes du verre, des historiens de l'art et des scientifiques. Ces échanges ouvrent des perspectives passionnantes sur la conservation préventive et les techniques de restauration, mais aussi sur la protection des vitraux face aux aléas du temps.
Quels souvenirs marquants gardez-vous de ce chantier ?
La première fois que je suis entrée dans Notre-Dame, à peine une semaine après l'incendie, reste un moment inoubliable. C'était une expérience mêlant excitation et fierté d'aider, mais aussi une grande désolation face à l'état du monument.
Ce chantier a également été une aventure humaine exceptionnelle. La coordination entre de multiples corps de métiers a créé une dynamique de collaboration unique. Les rencontres, les échanges et le travail d'équipe resteront gravés dans ma mémoire.
Un vitrail vous a-t-il particulièrement marqué ?
Oui, le vitrail de Moïse a retenu toute mon attention. Il dégage une force incroyable dans son regard. Aujourd'hui qu'il a quitté l'atelier, j'ai hâte de le revoir en place, dans l'édifice.
Un chantier hors normes et des enseignements précieux
À travers l'exemple des vitraux de Notre-Dame, ce chantier d'exception montre à quel point la préservation du patrimoine nécessite une synergie entre savoir-faire artisanal, innovation technique et collaboration humaine. Il illustre aussi comment chaque restauration peut renouveler notre regard sur des œuvres, qu'elles soient médiévales ou modernes, en leur redonnant une nouvelle vie pour les générations fut
Mais au-delà de son ampleur, ce chantier engage également notre responsabilité collective. Il met en lumière l'importance des anciennes de nouvelles générations aux métiers d'art, de valoriser des savoir-faire souvent méconnus et de sensibiliser à la fragilité de notre patrimoine. Il incarne aussi un modèle inspirant de gouvernance pour relever les défis des projets culturels ambitieux, un exemple à suivre pour conjuguer l'excellence technologique.
“Redonner vie à Notre-Dame, c'est donc bien plus qu'un chantier. C'est un symbole d'espoir, une preuve que face à l'adversité, la transmission, l'innovation et la coopération permettent de faire renaître nos trésors les plus précieux. C'est une invitation à croire en la force de l'artisanat et de la culture pour bâtir des ponts entre le passé et l'avenir”.
Quand passion et lumière s’entrelacent : le parcours lumineux d’Emma Groult
Emma Groult dans son atelier. Nicolas Duprey CD78 ®
Emma Groult, maître dans l’art de redonner vie aux vitraux, est bien plus qu’une restauratrice talentueuse. Diplômée du Master Conservation-Restauration des Biens Culturels de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, elle dirige avec dévouement l’atelier MurAnése à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, où chaque œuvre est un dialogue entre histoire, savoir-faire et innovation.
Son expertise ? La restauration de vitraux patrimoniaux, qu’ils soient civils ou religieux. De la finesse des vitraux médiévaux aux textures délicates des verres imprimés des XIXᵉ et XXᵉ siècles, Emma s’attelle à révéler l’éclat original de ces trésors, en intervenant aussi bien pour les Monuments historiques que pour les particuliers et les musées de France.
Une reconnaissance éclatante
Le talent d’Emma ne passe pas inaperçu :
En 2022, elle reçoit le Prix des Artisanes du magazine Elle, dans les prestigieux locaux de LVMH, pour sa contribution au chantier emblématique de Notre-Dame de Paris.
Elle remporte également le Coup de Cœur du Jury aux Trophées MNRA en 2016.
En 2014, son travail est couronné par le Grand Prix Pèlerin du Patrimoine, remis dans le cadre enchanteur de l’abbaye de Fontevraud.
Un engagement sans faille
Membre du Corpus Vitrearum et de la Fédération Française des Conservateurs-Restaurateurs, Emma applique scrupuleusement les principes du code de déontologie de l’European Confederation of Conservator-Restorer’s Organisation, garantissant une restauration respectueuse et durable.
https://atelier-muranese-vitrail.com/
Pourquoi ce métier inspire autant ? Dans chaque verre, chaque plomb, Emma voit plus qu’un objet ancien : un fragment vivant de notre mémoire collective. Son travail dépasse la technique ; il s’agit d’un acte d’amour envers un patrimoine fragile, mais éternellement vibrant.
Et vous, que vous inspire la lumière d’un vitrail ? Emma Groult nous a ouvert les portes d’un art où chaque éclat de verre raconte une histoire, où chaque jeu de lumière tisse un lien entre hier et aujourd’hui. Au-delà de sa beauté, le vitrail porte en lui des siècles de savoir-faire, de spiritualité, et de résilience.
Mais le mystère ne s’arrête pas là :
Quels secrets cachent encore ces « fenêtres sur le divin » ?
Comment les artisans du 21ᵉ siècle réinventent-ils cet art ancestral ?
Et pourquoi cet héritage vibrant résonne-t-il si profondément avec nos préoccupations modernes ?
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La semaine prochaine Oh ! Des territoires vivants vous emmène à la découverte de Rebâtir Notre-Dame, l’établissement public spécifiquement créé pour piloter la restauration de Notre-Dame, le Chantier du siècle.
Merci pour cette immersion au travers le regard d’une professionnelle passionnée en plus
Vivement le prochain épisode